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Les commentaires refusés dans «24 heures»

ainsi que les commentaires censurés ou retirés de ce quotidien vaudois de Suisse romande

J. Gaillard, 7.06.2021


La liberté de commenter est indivisible

En premier lieu, je tiens à préciser que la liberté de commenter n'est pas la liberté d'offenser, moins encore délibérément. C'est pourtant ce qui arrive de plus en plus souvent dans le quotidien suisse «24 heures» ainsi que dans sa sœur «La Tribune de Genève». Étant vaudois de naissance, je m'intéresserai ci-après surtout au cas de «24 heures».

Un peu de … modération

Pour éviter les débordements, les journaux peuvent utiliser (ou pas) les services d'une équipe dite de "modération". L'éditeur du journal «24 heures» dit qu'il utilise un tel service. Il publie aussi une Charte des commentaires, précisant les limites de ce qui est admis, et de ce qui ne l'est pas. Cette "modération" est très flexible, et le but de cette page est de restituer des commentaires non publiés ou disparus, quoiqu'ils n'aient violé en rien cette fameuse "Charte".

Le paragraphe 3 de cette "Charte" précise (alinéa 2):

Vous ne diffuserez pas des informations ou contenus contrevenant aux droits d'autrui, à caractère diffamatoire, injurieux, obscène, offensant, violant ou incitant à la violence, raciste ou xénophobe et de manière générale contraire, aux lois et règlements en vigueur ou aux bonnes mœurs.

Mais l'interprétation de cet article est souvent très élastique.

L'anonymat

Pour publier un commentaire, les pseudonymes sont autorisés, ce qui permet un certain nombre de lâchetés, et je pressens que cette dernière remarque, que je ne me suis jamais permise dans mes propres répliques à l'un ou l'autre de ces valeureux intervenants, me contentant de critiquer leur «courageux anonymat», va me valoir quelques notes acerbes, auxquelles je réponds ici (j'espère n'avoir pas à le répéter) par la réflexion de Chateaubriand: il faut être économe de son mépris, car il y a beau­coup de nécessiteux.

Les délais

Jusqu'à récemment, chez «24 heures», le délai de publication allait, selon les jours, de 15 minutes en matinée du mercredi au dimanche, mais c'était assez aléatoire, à près de 24 heures, en particulier le lundi. Depuis fin mai 2021, les choses se seraient améliorées. Il existe trois types de modération.

1. Le refus de publier, d'entrée

Lorsque le service de modération estime qu'un commentaire viole la "Charte", il ne le publie pas, et fin de l'histoire.

Mais il arrive qu'au sein de cette équipe, quelques éléments aient "leurs têtes", et refusent systématique­ment de publier tel ou tel commentateur, simplement parce que sa prose ne lui convient pas, par exemple sur le plan politique.

J'ai pu le vérifier en constatant qu'un commentaire des plus innocents ne "passait" pas pendant toute une matinée (alors que beaucoup d'autres commentaires du même article apparaissaient en moins d'une heure), et que renvoyant le même commentaire peu avant 17 heures (heure limite fréquente de fermeture de la censure), l'équipe ayant probablement changé, ce commentaire paraissait encore le même soir ou le lendemain matin. Je n'ai pas gardé d'exemple précis, mais en ajouterai un ici dès que l'occasion m'en sera donnée: ça ne va pas tarder.

Ayant moi-même exercé jadis le métier d'éditeur, j'ai le plus grand respect pour la liberté de ce corps de métier, et son choix de publier, ou non, quoi que ce soit. Mais il arrive tout de même des refus de publier surprenants. Voici l'exemple d'un commentaire assez vulgaire en réaction à l'une de mes interventions:

Un commentaire dans 24 Heures: «commentaire nul à chier gaillard»

Le 5 avril 2021, dans cet article évoquant Guy Parmelin prônant la patience, par un certain "Je sais": «commentaire nul à chier gaillard», rien d'autre, sans une virgule. J'ai tenté de rétorquer avec une pointe d'humour au niveau de l'interlocuteur: «Heureux d'avoir résolu votre problème de constipation».

Et qu'arriva-t-il? le «nul à chier» respectait probablement la "Charte", jugé exempt de «caractère diffamatoire, injurieux, obscène ou offensant», alors que ma réplique a été censurée. Cet exemple-là a disparu de la page en question parce qu'un autre lecteur s'est plaint de la vulgarité du propos.

2. Le retrait, après publication

Il arrive qu'après publication, un propos soit jugé incompatible avec la "Charte" (par qui? la rédaction? d'autres lecteurs?) et soit retiré, remplacé par la remarque «Ce commentaire a été supprimé par les modérateurs». Le plus souvent mais pas toujours, l'auteur sait pourquoi son commentaire a été retiré.

3. Le retrait après publication, en catimini

Il arrive aussi qu'après publication pendant 16 à 32 heures, un commentaire soit supprimé par la rédaction, en cachette. Ça m'est arrivé (je ne suis pas le seul), et je trouve ce procédé sournois révélateur de l'état d'esprit de la personne (un journaliste?) qui supprime ces commentaires. Les miens n'ont jamais contenu de «caractère diffamatoire, injurieux, obscène ou offensant», à une exception près: il m'arrive (une ou deux fois par an) de réagir avec un «Ça, c'est con!». Parce que ça l'est. Et ce dernier propos n'a jamais été censuré.

Signaler au journal ces erreurs de modération

Signaler auprès de «24 heures» les erreurs (ou les injustices) de modération est une pure perte de temps. Il y a deux recours. Le premier est l'adresse de courriel du rédacteur en chef, la seconde celle d'un "médiateur"; en principe, ces deux adresses figurent dans le journal, mais au moins s'agissant de la seconde, elle doit être bien cachée, car je ne l'ai pas trouvée (elle a fini par m'être communiquée par un tiers). Voici ce qui se passe.

Le 17 juillet 2020, au sujet de jeunes activistes du climat ayant déversé de l'huile sur la piste de l'aéroport de la Blécherette (Lausanne), j'avais envoyé:

«Comment les militants ont-ils pu se rendre aussi facilement sur le tarmac?» C'est simple, tout le monde fait confiance à tout le monde. La Suisse est un pays qui a pas mal de défauts, mais aussi des qualités qu'on ne trouve plus nulle part ailleurs, et cette confiance est réjouissante. Ceci dit, déverser de l'huile dans la nature, de la part de gens qui se disent écologistes, c'est pas malin-malin.»

Ce commentaire a été publié puis, après environ 10 ou 12 heures, il est devenu: Ce commentaire a été supprimé par les modérateurs.

Interrogeant le médiateur, le 23 juillet, voici sa réponse:

«Je m'apprête à partir en vacances pour deux semaines, mais je ne voulais pas filer sans accuser au moins réception de votre plainte.

A vrai dire, je ne peux guère faire davantage, en raison des vacances des uns et des autres… et des recommandations de travail à distance qui s'appliquent encore à tous.

À mon avis, votre premier commentaire n'a nullement fait l'objet d'une modération due à son contenu. Celui-ci ne déroge en rien, en effet, aux dispositions de la Charte des commentaires. […] Je vous suggère d'attendre (patiemment donc!) l'explication qui devrait vous être fournie.

J'ai "patienté" jusqu'au 14 octobre (pas loin de trois mois, les vacances sont longues, chez 24 heures) puis ai interpellé le rédacteur en chef, dont la réponse fut:

Votre commentaire a visiblement été remis en ligne par notre service de modération.

Par contre, impossible au vu du temps passé de savoir pourquoi il avait été rejeté à l'époque. Probablement par erreur.

L'exemple ci-dessus est typique de la réaction de «24 heures» lorsqu'on tente de proposer ou de corriger quelque chose. J'ai essayé d'établir avec ce rédacteur en chef une relation empreinte de courtoisie, mais l'efficacité des interventions tendant à faire rétablir des commentaires supprimés (ou non publiés) à tort est nulle, et c'est la raison pour laquelle j'ai rédigé ces pages.


La suite est dans les onglets ci-dessous.




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