8 mars 2016, critique de presse du Dauphiné Libéré (La Tour-du-Pin et Nord-Dauphiné) sur «Carmen» par J. Mériaudeau (Signal)

LE DAUPHINÉ LIBÉRÉ | LUNDI 29 FÉVRIER 2016 | 13

MORESTEL

Jacqueline Mériaudeau publie un premier livre consacré à la vie de sa mère

L’égalité entre les hommes et les femmes ne va pas de soi. Il suffit de remonter l’histoire du XXe siècle pour s’en rendre compte. Les droits de la femme s’effacent au profit de la famille. La priorité est donnée à la famille, notamment par la loi Gounot du 29 décembre 1942, aussi appelée “Charte de la famille”.

Il sortira le 8 mars, jour de la Journée de la femme

Par cette loi, la famille légitime est protégée, le mariage encouragé et on prône les familles nombreuses. Parmi toutes ces femmes, il y a Carmen et c’est son histoire que raconte Jacqueline Mériaudeau dans son livre Carmen, à paraître le 8 mars, jour de la Journée de la femme.

Avec une particularité, Carmen est sa mère. Rares sont les écrivains qui osent s’attaquer au défi de mettre leur mère en livre. Marcel Pagnol, immortalisant sa piété filiale dans Le château de ma mère et surtout Albert Cohen, consacrant une mère quotidienne et sublime dans Le livre de ma mère y sont parvenus. Deux mères ici méditerranéennes, dont Carmen, qui, elle, côtoie le Rhône, la montagne calcaire du Jura, les saules et les peupliers des îles, les maisons aux façades de pierres et toits à redans, pourraient être la petite sœur. Il a fallu plus de 10 années à Jacqueline Mériaudeau, entre la pensée qui l’effleure au moment où elle laisse tomber, sur le cercueil de Carmen, les boutons de tiare blanc ramenés de Tahiti où elle habitait, et que le bourgeon pousse enfin, pour faire jaillir ce qui est un vibrant hommage à sa mère. Mais également à ces femmes convaincues de leur irréductible singularité individuelle mais qui, finalement, auront une histoire commune fabriquée par la loi et les moeurs d’une époque.

L’auteur, dans une belle écriture dans laquelle il n’y a ni commisération, ni lyrisme mais simplement la volonté de se tenir au plus près des choses, au plus près du réel, raconte le parcours de celle dont la naissance l’avait versée dans la catégorie « filles », avec les aléas que cela apportait au début du siècle dernier. La poursuite de l’école pour aller jusqu’au certificat d’études que son père lui refusa, une adolescence dans le labeur avec la TSF comme évasion, la tentative bâclée d’apprendre un métier, un mariage, une installation dans une maison au bord du Rhône, huit enfants qui lui vaudront une décoration, l’obligation d’avorter, etc.

Les mots dans cet ouvrage deviennent comme des choses, des pierres qu’on pose les unes à côté des autres. Ce livre devient un mémento perpétuel de faits qui font que la mort d’un être cher n’est jamais une séparation mais au contraire une fusion.

Comment saurait-il en être autrement avec une femme qui se cultivera au travers des livres d’école de ses enfants, à qui elle offrira une belle destinée en leur facilitant la poursuite de hautes études.

C’est le portrait d’une femme qui s’inventa grâce au Rhône, auprès duquel elle résidait, des cheminements poétiques. Une normalité Carmen, prénom de Carmina signifiant, en latin, les poèmes chantés. Et une belle déclaration d’amour comme seule une fille sait la faire à sa mère.


Carmen, de Jacqueline Mériaudeau-Renet, aux Éditions du Signal. Parution le 8 mars.